Les couleurs sont un peu passées, et toutes dans des dominantes beige et marron. Le décor a vieilli lui aussi, très chargé, le parc du dernier acte est même nettement broussailleux. Mais la mise en scène de Ponnelle est d'une telle vie qu'on peut encore s'y laisser prendre, d'autant qu'il l'a lui-même filmée -car il s'agit bien d'un film, ici, tourné à Londres en juin 1976, la bande son ayant été enregistrée à Vienne en décembre 1975, et non d'une captation télévisée. Même le play-back est utilisé à des fins dramatiques, les monologues des protagonistes s'affichant ainsi franchement comme autant de plongées dans leurs pensées, et non comme de gênants apartés. Musicalement, la fête est somptueuse, menée par Böhm avecdavantage de prestance et de noblesse que de vivacité -il manquera toujours ici la lumière italienne qui illumine chaque mesure du chant de Mirella Freni, admirable susanna qui domine de haut une distribution pourtant luxueuse. La beauté de Kiri Te Kanawa, au début de sa gloire, la gouaille d'un Prey plus séduisant que jamais, la flamme naïve de Maria Ewing, tous excellents usiciens et comédiens, et les savoureuses silhouettes croquées par leur compères et commères sont un enchantement. L'oeil narquois de Fischer-Dieskau sied à un Almaviva plus cruel que d'ordinaire, le seul, en revance, dont les miiques semblent, aujourd'hui, un rien théâtrales, ses partenaires se coulant davantage dans l'optique cinématographique. Une date dans l'histoire de l'opéra filmé, rééditée dans une bonne qualité sonore et visuelle. Emmanuel Dupuy, Diapason n 527, Juillet-Août 2005